paul wollenberg |
D U R E R I E
L'art primaire du dessin; un trait, le croisement d'une ligne horizontale et verticale qui définie les axes du monde, le contour de la tête de quelqu'un qu'on aime, un signe abstrait.
L'art le plus universel et le plus intime, traçant les voies des planètes et les palpitations silencieuses du cœur. Le plus simple et en même temps incroyablement raffiné. Populaire et élitiste. Mimétique et conceptuel.
Monika et Paul Wollenberg, artistes travaillants ensemble, auteurs de plusieurs collections communes, ont concentré actuellement leur activité artistique sur le dépassement de l'opposition entre la volatilité du dessin spontané et la solidité matérielle de son inscription.
Ils continuent en quelque sorte les recherches entreprises dans le cadre du conceptualisme des années 70 sur les propriétés du dessin comme médium mais dans le cadre d'une réflexion sur le temps. Ils se sont concentrés sur l'expérimentation de la matière qui leur sert de support arrivant à faire fondre un trait au crayon dans l'émail sur métal. Ils mènent un jeu d'illusions en modifiant l'aspect dur et rigide du fond afin qu'il imite la souplesse et la délicatesse organique du papier, qui est le support traditionnellement fragile et facilement endommageable du dessin. Leurs émaux, résistants aux facteurs extérieurs, peuvent conserver pour longtemps l'inscription de l'instant, des impressions et des émotions les plus personnelles.
Le dessin sert cependant aux Wollenberg, non seulement pour révéler et rendre durables leurs impressions subjectives, mais c'est surtout un moyen de saisir et dialoguer avec le phénomène du temps. Le trait de crayon et son support deviennent pour eux les porteurs de messages symboliques: "Supposons que le blanc symbolise la vie et le noir la mort, le métal le passé et le papier le futur, alors le trait de crayon est une illustration du temps" - comme l'écrivent eux-mêmes.
Ils ne se sont pas arrêtés là. Ils continuent leur expérimentation. Le papier peut bien être roulé et seulement en le déroulant montrer le dessin qui se cache à l'intérieur. Mais, une fois "cuit ", le rouleau de métal émaillé ne peut plus être déplié - le dessin restera dans la mémoire des auteurs, peut-être il naîtra dans l'imagination des observateurs (du public), ou bien il ne sera plus utile du tout? A ce moment-là survient un dépassement mental et réel des limites des disciplines - la surface du dessin s'enroule en un tridimensionnel objet sculptural, solennel et stable, en contradiction avec sa généalogie, même si ressemblant à s'y méprendre au fragile papier. Est-ce qu'il résiste mieux au temps? L'intérêt des œuvres des Wollenberg ne réside pas dans les découvertes technologiques, tout de même précieuses, mais dans le besoin passionné, qui y réside, de rechercher un moyen durable d'inscription ainsi que dans la foi, presque magique, de pouvoir "conjurer" la réalité. La passion qui exige d'eux d'entreprendre de nouveaux efforts pour arrêter le temps, pour laisser des traces ineffaçables. C'est cette passion qui fait que, dans leurs œuvres, on ressent la force d'expression, l'authenticité et le sérieux des intentions. Ils touchent, en effet, au désir dramatique et humain de surpasser sa propre mortalité, de s'opposer à l'éphémère.
Wieslawa Wierzchowska (introduction à l’exposition « Durerie » à la Galerie Pokaz à Varsovie, 2005)
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INTRODUCTION A L'EXPOSITION DANS LE CADRE DU PARCOURS DE L'ART 2007 A AVIGNON
(...) la matière est le seul moyen de mesurer le temps. Le temps est si proche de l’inexistence qu’il est impossible de le saisir sans passer par l’espace où se déploie la matière. Il faut que la matière bouge, se fasse ou se défasse, pour rendre sensible le temps (...) Jean d’Ormesson
“ La ligne offre au temps une grande diversité d’expression ” Wassily Kandinsky
Nos créations ont la particularité de défier le temps. Nous fixons le dessin par la fusion du graphite dans l’émail sur métal. Le dessin, délicat de nature, devient solide et, grâce à la cuisson, il peut se confronter à la durée…. Le dessin devient ainsi invariable, inscrit. Chaque trait de graphite mémorise l’instant. Dans une première phase, le dessin est rempli de crayonnages “ riches en événements ” qui après la cuisson disparaissent en partie pour n’offrir, que “ l’essentiel de l’histoire ”. Nous acceptons ces effacements, car nous considérons que la température élevée joue le rôle du temps, qui de façon souvent aléatoire, sans volonté précise de notre part, efface de notre mémoire certains faits du passé.
Le fil conducteur de notre travail commun est donc ce phénomène qui ne cesse de transformer l’avenir en passé.
À la base de notre démarche, il y a une forte unification des vies de deux créateurs avec nos différents bagages et différents points de vu. Dans l’art, nous essayons de traduire la dualité qui est dans notre configuration quotidienne. Nous mettons constamment en dialogue deux univers opposés, comme un reflet de nos personnes, homme et femme, fragilité et solidité, flexibilité et rigidité. Nous cherchons la confrontation de ses “ qualités ” opposées extrêmes. Ce qui nous intéresse, entre autres, réside dans la quête des limites de résistance afin notamment de montrer où ces deux frontières se touchent, se croisent, s’enrichissent pour donner naissance à une nouvelle valeur.
Dans un cycle d’œuvres “ illustrations du temps ” nous avons joué sur la fragilité du papier pour symboliser le futur et la solidité du métal émaillé pour symboliser le passé. Chaque œuvre porte en soi la complémentarité.
Dans le cycle “ dessins intemporels ”, le métal plié, émaillé en blanc ou en noir, étendu sur un câble, prend la forme du papier et lui ressemble à s’y méprendre. Le caractère du dessin est dicté par l'envie d'appréhender la spécificité de la matière et de rendre, ainsi, au mieux la similitude avec le dessin sur papier. La délicatesse et volatilité du trait sont autant antinomiques que complémentaires au poids et à la rigidité du métal.
Les “ dessins dans l’attente ” sont le couronnement de nos expérimentations avec la matière et des réflexions sur le temps. Les dessins, jusqu’à présent suspendues sur le mur, deviennent des rouleaux en attente d’être déplié, ce qui n’arrivera jamais. Le dessin n’est plus que dans notre imagination.
Le même besoin de sortir des supports traditionnels et la recherche d’une nouvelle “ matière d’expression ” pour échapper à la bidimensionnalité de l’image nous ont induit à la création des “ icônes ” (du grec eicon - image) qui sont comme une nouvelle page ouverte vers l’avenir. Des feuilles de métal peint, superposées, dans lesquelles au centre (là ou en suppose était l’essentiel de la composition) un rectangle a été découpé laissant un vide à remplir par notre imagination.
“ Une icône c'est une fenêtre derrière laquelle il y a une réalité invisible impossible à représenter ” Jean Luc Marion
Ces rectangles d’air ont pris la forme de cubes en plastiques qui se répandent dans l’espace telles des notes de musiques. Chaque pièce a sa propre valeur mais c’est l’ensemble de la composition qui fait la mélodie.
Monika et Paul Wollenberg
“ ICONE 19 ”, feuilles de métal émaillé, 53cm x 48cm, 2006
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LA VIE ET LA MORT
" supposons que le blanc représente la vie et le noir la mort;
le métal le passé et le papier le futur,
alors la trace du crayon est une illustration du temps"
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DESSINS A PORTER
Le dessin est réalisé directement au graphite sur le métal émaillé et fondu à 800°C.
Cette technique a été mise au point par Monika Polec et les dessins sont exécutés par son mari Paul Wollenberg dans l'atelier à Bonson dans le Sud de la France.